dimanche 30 octobre 2016

Chronique : "Hybrid Theory" de Linkin Park

Les années 2000 constituent un tournant pour le nu metal. Ce sous-genre qui a déjà quelques années d'existence voit un certain nombre de groupes se bousculer au portillon pour rejoindre ses rangs, entre les pionniers qui cherchent à subsister, les anciens issus d'autres tendances qui s'y faufilent discrètement et les nouveaux groupes qui apparaissent. Parmi ces derniers, il y en a un qui ne passe pas inaperçu pour le nouveau souffle qu'il apporte. Avec leur premier album, "Hybrid Theory", Linkin Park met tout le monde d'accord avec un brillant mélange de metal et de rap, le tout teinté d'electro.


        Pour ceux qui ne connaissent Linkin Park qu'à travers leurs derniers efforts, sachez que vous vous trompez si vous croyez qu'ils ont toujours été un simple groupe de rock avec quelques onces d'originalité. En effet, la formation a d'abord mis le nez dans un rap metal efficace et éclectique, tirant notamment parti de la complémentarité des capacités et des influences de ses membres. On se retrouve ainsi avec des compos assez riches en éléments divers, quoiqu'on pourra regretter les structures qu'elles proposent. En effet, le groupe nous ressert souvent le même schéma couplet-refrain-pont dans un format type radio. Cependant, cela est équilibré par la variété des dynamiques et des performances vocales d'un morceau à un autre ou au sein d'un même titre. Justement, une des grandes forces de Linkin Park réside dans la diversité de la palette vocale et la complémentarité des deux chanteurs. Là où Mike Shinoda délivre un chant rappé au flow imparable, faisant de lui un parfait MC en concert, Chester Bennington sait alterner brillamment un chant clair à différentes nuances, du plus apaisé (les couplets de Crawling, Pushing Me Away) au plus agressif (With You, le refrain de Points Of Authority), avec les hurlements déments (One Step Closer, By Myself, A Place For My Head) et les quelques supports pour Shinoda (Papercut, Forgotten). Au niveau instrumental, que ce soit au niveau des guitares ou de la section rythmique basse-batterie, la composition est assez simple, voire simpliste, diront les plus réticents. Mais cela ne manque pas d'efficacité dans les passages les plus agressifs et de musicalité dans ceux les plus calmes, les musiciens sachant parfaitement doser et enchaîner les dynamiques. Nu metal oblige, Linkin Park inclue parmi ses membres le DJ Joseph "Joe" Hahn, qui sait placer les scratchs et autres effets électroniques aux bons moments et se paie même le luxe d'assurer le titre instrumental Cure For The Itch à lui tout seul, lorgnant vers la hip-hop atmosphérique.
        Les choses se corsent cependant quand il s'agit d'aborder les paroles. Les lignes de Shinoda ont le mérite de sortir des sentiers battus pour être très introspectives et plus abstraites et recherchées que la moyenne. En revanche, celles de Bennington, très influencées par le mal-être du grunge, ont tendance à sonner un peu réchauffées et cliché, ne les rendant pas forcément convaincantes, surtout quand elles sont alliées à des mélodies pas toujours réussies (One Step Closer en tête). Le tout aborde des thèmes personnels, tendant vers la vulnérabilité (Crawling, Pushing Me Away) ou la force (Points Of Authority, A Place For My Head).
        Le producteur Don Gilmore a assuré pour sa part un son soigné et suffisamment dosé pour laisser la musique transmettre son efficacité. Ni artificiel, ni bâclé, le rendu sonne spontané et direct.

        En bref, le premier album de Linkin Park est une petite perle d'efficacité et d'éclectisme qui donne un nouveau souffle à la scène nu metal et qui promet au groupe californien une bonne carrière. Je ne cache pas le fait qu'il m'a fallu un peu de recul pour écrire cette chronique, étant donné que je connais ce groupe depuis mon plus jeune âge. Qu'à cela ne tienne, j'espère, comme ce fut mon cas, qu'il pourra être pour les curieux une première étape dans la découverte progressive de l'univers du metal.

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